Russie et Afrique

Après l’effondrement de l’Union soviétique, l’Afrique est longtemps restée à la périphérie de la politique étrangère russe. Tout a changé à partir de 2016, avec un soudain rapprochement lors du sommet Russie-Afrique, à Sotchi.

France et Chine en retrait, une opportunité pour la Russie

Pékin a perdu de son influence sur le continent pendant l'épidémie de Covid-19, Moscou pourrait tout à fait prendre sa place.

La présence du groupe Wagner en Afrique sape le soft power russe. Si la Russie souhaite renforcer sa coopération militaire avec le continent, elle a tout intérêt à le faire officiellement, sans passer par des sociétés privées. Qui plus est, le recours à des mercenaires va à l’encontre de l’image de pays pacificateur que la Russie s’efforce de se donner sur la scène internationale.

Un rapprochement net entre la Russie et l'Afrique

La tournée de Sergueï Lavrov en Afrique, en 2016, a été le premier pas vers un rétablissement de l’influence russe sur le continent. À cette occasion, le chef de la diplomatie russe s’est rendu dans quatre États – l’Éthiopie, le Mozambique, l’Angola et la Namibie. Tous étaient des alliés – avant tout idéologiques – de l’URSS. L’idée d’organiser un sommet Russie-Afrique a pris forme au cours de cette visite. L’événement, qui s’est tenu le 24 octobre 2019, a vu la participation des 54 pays africains, dont 43 étaient représentés par des chefs d’État et de gouvernement, ainsi que de huit grandes organisations d’intégration régionales africaines. Au total, une dizaine de milliers de personnes ont pris part à ce forum sans précédent. Les nombreux mémorandums d’entente signés à l’issue de celui-ci n'étaient pas contraignants mais ils ont servi de catalyseurs pour le développement d’une coopération.

Le Forum économique Russie-Afrique réunit de nombreux chefs d’État et de gouvernement, ainsi que des représentants des milieux d’affaires russes et africains.

Moscou propose aux Africains son aide dans la lutte contre le terrorisme

Que ce soit en Afrique du Nord, dans le Sahel, ou encore dans la région du lac Tchad et la Corne de l’Afrique, une multitude d’organisations terroristes sont actives : l’État islamique, Al-Qaïda, Boko Haram, Harakat al-Chabab al-Moudjahidin… Beaucoup de pays africains ne sont pas en mesure de lutter seuls contre ces groupes extrémistes. La Russie a également un intérêt direct à cette coopération, ses ressortissants étant la cible des attaques de pirates. Compte tenu de la difficulté à obtenir la libération des otages, il vaut mieux empêcher que ces attaques se produisent.

États africains avec lesquels la Russie entretient-elle aujourd’hui les relations économiques les plus étroites

En 2019, les échanges commerciaux entre la Russie et l’ensemble du continent ont représenté environ 30 milliards de dollars, dont un tiers proviennent du commerce avec l’Égypte et un cinquième des échanges avec l’Afrique du Sud.

L’Égypte est un moteur de la coopération russo-africaine, en quelque sorte une porte vers l’Afrique pour Moscou. Moscou coopère avec l'Egypte pour le développement de son programme nucléaire civil, l’Égypte est le plus grand consommateur de blé russe, les échanges touristiques bilatéraux sont importants et de nombreux Égyptiens font leurs études en Russie.

L’Afrique du Sud est le deuxième pays africain avec lequel Moscou entretient des contacts privilégiés, même si un déclin s’est amorcé.

Coopération entre Russie et Afrique dans le secteur de l'énergie

L’URSS aidait à titre gracieux certains pays africains, mais il faut oublier l’époque soviétique car l’Afrique a radicalement changé. Aujourd’hui, elle voit sa population – et, par conséquent, ses besoins – augmenter à un rythme effréné. Les capacités des centrales électriques locales ne suffisent pas à satisfaire la demande croissante. La construction de gazoducs n’étant pas rentable sur le continent, Moscou a proposé de bâtir des centrales nucléaires stationnaires ou flottantes. À l’instar de l’Akademik Lomonossov, récemment mise en service dans l’Arctique par l’agence Rosatom, ces dernières pourraient flotter le long des rives du continent et l’alimenter en électricité. Cette solution serait une avancée technologique pour l’Afrique – et une source de profits colossaux pour la Russie, qui pourrait en tirer entre vingt et trente milliards de dollars par an.

Débouchés commerciaux pour le blé russe et les autres productions industrielles et agricoles

Les jeunes forment le groupe démographique le plus économiquement actif sur le continent, dont ils représentent près de 65 % de la population. Par conséquent, l’Afrique est considérée comme l’un des marchés où la croissance est la plus rapide et où il est possible de faire des profits. Il est important pour la Russie d’y promouvoir ses productions industrielles et agricoles, notamment ses denrées alimentaires.

La Russie renforce ses liens avec la Tanzanie, en profitant des profonds désaccords entre Dodoma et Pékin, qui était le principal créancier de ce pays. Le président tanzanien John Magufuli a même annoncé que la Tanzanie ne rembourserait pas ses dettes à l’égard de la Chine.

À l’instar du Kenya, la Tanzanie est un eldorado touristique. L’archipel tanzanien de Zanzibar est déjà prisé par les touristes russes, qui s’y rendent en faisant escale à Dubaï. Des liaisons aériennes directes pourraient être créées. Moscou et Dodoma pourraient, par ailleurs, signer un contrat de livraison de céréales, que ce pays achète aujourd’hui au Canada.

La Russie – qui, depuis l’époque soviétique, fabrique des médicaments efficaces et bon marché – a la possibilité de les promouvoir sur le continent africain, où la qualité des produits pharmaceutiques – majoritairement importés de Chine et d’Inde – laisse à désirer.

Moscou est considérée comme l’un des principaux fournisseurs d’armes sur le continent africain. La Russie a conclu des accords de coopération militaire et technique avec une trentaine d’États africains. Ses principaux clients sont l’Angola, la République centrafricaine, l’Égypte, l’Algérie et la Libye. La moitié de ces contrats portent sur la livraison de nouvelles armes, l’autre moitié sur la modernisation d’équipements déjà livrés.

Un grand nombre de pays africains, tels que Madagascar, le Mozambique et l’Érythrée, ne peuvent pas se permettre d’acheter des engins militaires russes de dernière génération. Ils s’accommodent toutefois pleinement d’hélicoptères et de systèmes de défense antimissiles plus anciens. Lors du sommet Russie-Afrique, le président ougandais Yoweri Museveni a ouvertement demandé à Vladimir Poutine de livrer des armes à crédit, « les achats en liquide ralentissant le processus ».

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